Les premières mesures de concentrations d'ozone anormalement faibles dans la stratosphère, au dessus de l'Antarctique (qu'on appellera rapidement « le trou d'ozone ») datent de 1979. Mais les travaux scientifiques relatifs à cette molécule composée de 3 atomes d'hydrogène avaient commencé 150 ans auparavant. Ces décennies ont été nécessaires pour expliquer la chimie de l'ozone ; plus récemment, les moyens de mesure et de calcul numérique ont montré comment la conjonction des émissions de certains composés d'une part, et de phénomènes liés à la dynamique de l'atmosphère (le vortex polaire) d'autre part ont fourni les conditions nécessaires au déclenchement des réactions de destruction de l'ozone stratosphérique.
La découverte de la chimie et des propriétés de l'ozone stratosphérique
L'identification de l'ozone, la mise en évidence de sa présence à l'état naturel dans l'atmosphère et de son importance dans l'absorption de la radiation solaire ont commencé au 19° siècle. Pour plus de précisions sur cet historique, on pourra se reporter à l'ouvrage de Gérard Mégie, « L'ozone stratosphérique », rapport N°41 de l'académie des Sciences, juin 1998.
Et dès 1929, au cours de la conférence de Paris consacrée à l'ozone, Sydney Chapman met en évidence les phénomènes de production et destruction de l'ozone à l'état naturel dans la stratosphère, par le cycle qui porte son nom et qu'on peut résumer par les équations ci-dessous qui ont la particularité de ne faire intervenir que des molécules d'oxygène et d'azote :
A partir d'une altitude de 20 km, l'intensité du rayonnement de longueur d'onde inférieure à 242 nm est telle qu'elle permet de dissocier la molécule de dioxygène O2 en 2 atomes libres selon la réaction suivante :

L'oxygène atomique obtenu, en présence d'une molécule M de dioxygène O2 ou de diazote N2 se combine à son tour avec une molécule de dioxygène pour former l'ozone O3 :

Cette réaction s'accompagne d'une libération d'énergie de 100 kJ par mole d'ozone formée. La molécule M récupère l'énergie qu'elle transfert à d'autres constituants de l'atmosphère sous forme d'énergie cinétique. Cette augmentation d'agitation moléculaire se traduit par une augmentation de température dans le milieu. Ceci explique le gradient positif de température dans la stratosphère.
Mais, la photolyse s'applique à son tour aux molécules d'ozone, pour des longueurs d'onde inférieures à 310 nm, toujours en présence de dioxygène :

Ces deux dernières réactions aboutissent à la destruction de molécules d'ozone et concurrencent donc le premier groupe.
On pensait au départ que le cycle de Chapman aboutissait à un équilibre qui expliquait la concentration d'ozone existant dans la stratosphère. Mais, ultérieurement, il est apparu que la réaction de destruction était trop lente, ce qui devait aboutir à une augmentation permanente de l'ozone stratosphérique qui ne correspondait pas aux observations.
Des scientifiques vont ultérieurement mettre en évidence des réactions faisant intervenir d'autres composés qui détruisent également l'ozone et ont longtemps assuré le maintien de la concentration d'ozone stratosphérique à une valeur sensiblement constante :
- le Canadien Hampson mettra en évidence l'influence de l'hydrogène en 1950,
- puis en 1970, le hollandais Paul Crutzen (qui obtiendra le prix Nobel de Chimie en 1995) identifiera l'influence des produits nitrés (notamment les oxydes d'azote) dans la destruction de l'ozone,
- en 1974, les Américains Ralf Cicerone et Richard Stolarski mettront en évidence l'influence du chlore dans la destruction de l'ozone stratosphérique.
Les mécanismes peuvent être résumés par les équations ci-dessous dans lesquelles X désigne un radical à base d'hydrogène tel que OH, d'azote (NO), de chlore ou de brome :

Le bilan de ces réactions
est une destruction de molécules d'ozone.
La chimie liée à ces composés a d'autant plus d'importance qu'elle présente les caractéristiques suivantes :
- il s'agit d'une chimie catalytique : le composé (qu'il soit nitré, chloré ou hydrogéné) qui induit ou favorise la réaction de destruction de l'ozone n'est pas consommé par cette même réaction. Il reste donc disponible pour provoquer d'autres destructions de molécules d'ozone, tant qu'il n'est pas éliminé par un autre phénomène. Une petite quantité de ce composé peut donc influencer notablement le phénomène.
- ces réactions font intervenir des composés dont la concentration dans l'atmosphère est infinitésimale (contrairement au diazote N₂ et au dioxygène O₂ qui induisent les premières réactions et représentent à tous les deux plus de 99% des molécules contenues dans l'atmosphère). Cela explique la fragilité de l'équilibre.
En effet, pendant des centaines de millions d'années, les sols par chimiosynthèses bactériennes, ont fourni les quantités de composés azotés juste nécessaires à la réaction de destruction d'ozone qui, en complétant le cycle de Chapman, a maintenu une concentration d'ozone stratosphérique à peu près constante.
Mais, à partir de la fin du 20° siècle, l'essor de l'industrie et des transports, l'intensité des activités agricoles et autres activités humaines ont dégagé des quantités de produits azotés, nitrés et chlorés suffisantes pour perturber l'équilibre présenté ci-dessus, renforcer la réaction de destruction de l'ozone et aboutir à une diminution significative de sa concentration (l'exemple le plus connu est celui des chlorofluorocarbones, les CFC, qui libèrent des atomes de chlore dans la stratosphère). Et, dès 1974, Mario MOLINA et Sherry ROWLAND (prix nobel de chimie également en 1995) attireront l'attention sur le fait que les chlorofluorocarbones fabriqués de manière industrielle étaient très peu réactifs dans la troposphère, ce qui leur permettait de gagner la stratosphère où ils constituaient alors la source principale de chlore présent à ces altitudes.
L'influence des conditions de température et du vortex polaire sur la destruction de l'ozone
Les réactions de destruction de l'ozone précitées nécessitent, en plus de la présence de certaines espèces chimiques, des conditions précises :
- des températures très basses puis un rayonnement important : ces conditions sont remplies dans la stratosphère au niveau de l'Antarctique à la fin de l'hiver austral. En effet, durant l'hiver austral, la quasi absence de rayonnement solaire entraîne un refroidissement des masses d'air et aboutit à des températures de l'ordre de –80°C au niveau de la stratosphère, qui aboutissent à la création de nuages stratosphériques polaires . Les cristaux de glace contenus dans ces nuages piègent les molécules réservoir de chlore et de brome puis permettent, dès le retour de l'ensoleillement la libération d'atomes de chlore et de brome actifs.
- Le phénomène est accentué par la présence du « vortex polaire », qui résulte du fort écart de température entre le pôle et les latitudes moyennes : il induit un isolement des masses d'air, ce qui maintient les faibles températures, limite la dilution des espèces actives et empêche le remplacement des molécules détruites par importation d'ozone venant des plus basses latitudes.C'est pourquoi, les mesures et les résultats de modèles font apparaître un trou d'ozone maximum au début du printemps austral, fin septembre,début octobre.
- Le phénomène s'estompe lorsque les masses d'air se réchauffent avec le retour du printemps austral, induisant une instabilité de la circulation qui aboutit à la destruction du vortex polaire. D'une part, les conditions favorables à la destruction de l'ozone stratosphérique ne sont plus réunies, et d'autre part, le mélange des masses d'air polaire avec celles des latitudes plus basses est à nouveau possible. Ce mélange a pour effet de combler le trou d'ozone apparu au niveau du pôle, jusqu'à l'épisode suivant. Mais dans le même temps il consomme des molécules d'ozone venant des moyennes et basses latitudes. Et dans la mesure où les molécules d'ozone détruites au niveau du pôle sud ne sont pas reconstruites, le bilan cumulé des épisodes successifs se traduisait, à la fin des années 90 (période où le réservoir de gaz destructeurs de l'ozone était maximal, les dispositions telles que le protocole de Montréal n'ayant pas encore produit d'effet), par une diminution moyenne de la concentration d'ozone à l'échelle du globe de l'ordre de 4,5%, par rapport à la moyenne des années 1964 à 1980 (source : ouvrage de R. Delmas, G. Mégie et V.H. Peuch, Physique et Chimie de l'Atmosphère, paru aux éditions Belin).
La figure ci-dessous traduit l'influence du vortex polaire, avec à l'intérieur, une forte concentration d'oxyde de chlore et une diminution de la concentration d'ozone.

La figure ci-dessus a été réalisée à partir de mesures de ClO et d'ozone réalisées à partir d'un avion stratosphérique de type ER-2, le 16 septembre 1987, de 53° de lat. sud (Punta Arenas, au Chili) à 72° de lat. sud. D'après la revue "La météorologie" mars 1996.
En Arctique, du fait de la présence de continents proches et importants (Canada, Scandinavie, Sibérie), comportant des reliefs, le vortex polaire est moins marqué, se déplace plutôt vers la mer de Norvège et se maintient moins longtemps que dans l'hémisphère sud. Par conséquent, même si on observe parfois des nuages stratosphériques polaires entre décembre et février en Arctique, leur effet n'est pas comparable à celui observé dans l'hémisphère sud et les mesures effectuées par les instruments TOMS et OMI ne permettent qu'exceptionnellement d'identifier une baisse significative de la colonne d'ozone au -dessus du pôle nord.