La composition de l'atmosphère

L’ozone, un polluant des basses couches

  1. Formation de l'ozone dans la troposphère
  2. La modélisation de la chimie de l'atmosphère
  3. Episodes de pollution par l'ozone
  4. Effets de l'ozone sur la santé
  5. Effets de l'ozone sur les végétaux
  6. Effets de l'ozone sur les matériaux
  7. L'étude de la qualité de l'air
  8. Les normes en vigueur
  9. La surveillance de la composition chimique de l'atmosphère

Formation de l'ozone dans la troposphère

Un phénomène localisé dans les basses couches

La présence de l'ozone dans la troposphère a d'abord été attribuée à des transferts dynamiques d'ozone stratosphérique. En fait, les échanges verticaux d'ozone entre les basses couches (troposphère) et la haute altitude sont faibles et ne contribuent qu'à une part estimée à 20 à 30% au maximum de  l'ozone troposphérique ; le reste  se forme à proximité du sol à l'issue de processus complexes.

Un processus de formation complexe : l'ozone est un polluant secondaire

Le processus de production d'ozone troposphérique fait en premier lieu intervenir des précurseurs, dont les plus importants sont les oxydes d'azote : monoxyde et dioxyde d'azote, respectivement NO et NO2, polluants primaires.
Ces molécules résultent de la combinaison de l'oxygène et de l'azote, éléments très répandus dans la troposphère à l'état naturel, combinaison qui se produit le plus souvent dans le cadre de phénomènes de combustion à haute température en présence d'un excès d'oxygène. Ce type de combustion peut apparaître dans le cadre de phénomènes naturels (orages, en raison de la très forte température qui règne au voisinage des éclairs, incendies de forêts…) ou résulter d'activités humaines (combustions, en particulier durant le fonctionnement de moteurs ou de dispositifs de chauffage, agriculture…).

Une fois libéré, le dioxyde d'azote fait l'objet d'une photodissociation, en présence d'un rayonnement de courte longueur d'onde, comprise entre 280 et 430 nm : 
           (1) NO2 + hv  —>  NO + O
Puis, l'atome d'oxygène O libéré, et parvenu à un état d'excitation particulier par l'action du rayonnement,  réagit à son tour avec l'oxygène de l'air pour produire de l'ozone :
          (2) O + O2  —> O3
Le bilan de ces deux premières réactions est :
          (3) NO2 +O —>  NO + O3
Mais l'ozone peut à son tour entrer dans une réaction concurrente qui va détruire des molécules d'ozone et recréer du dioxyde d'azote :
          (4) NO + O3 — >  NO2 + O2

Pour déterminer à quel niveau les réactions précédentes vont s'équilibrer, on est amené à s'intéresser à leurs caractéristiques respectives :
La production d'ozone résultant de la réaction (3) va augmenter avec l'intensité du rayonnement noté I. Elle dépend également d'un coefficient k3, caractéristique de la réaction et fonction de la température. Enfin, elle sera d'autant plus importante que le dioxyde d'azote (NO2)   sera largement disponible pour alimenter la réaction : elle est donc fonction de la concentration de ce constituant notée [NO2]. En revanche, la concentration en oxygène [O2] n'intervient pas : l'oxygène est un constituant très abondant à l'air libre (plus de 20% de l'ensemble des molécules),  il sera donc toujours disponible en quantité suffisante pour alimenter la réaction.
Au final, cette production d'ozone  peut s'écrire sous la forme : k3 x I x [NO2].

De la même manière, la destruction d'ozone résultant de la réaction (4) peut s'écrire :
k4 x [O3] x [NO] où [O3] et [NO] sont les concentrations respectives d'ozone et de monoxyde d'azote et k4 est un coefficient caractéristique de la réaction (4), fonction de la température.

Une fois atteint l'équilibre, production et destruction d'ozone sont égales en valeur absolue.  On a donc l'égalité :
k1 x I x [NO2] = k4 x [O3] x [NO] qui nous donne :

  MF

La quantité d'ozone [O3] obtenue si seules les réactions précédentes intervenaient serait donc fonction du rapport des concentrations [NO2]/[NO] et ne permettrait que dans des cas très rares d'expliquer l'apparition des pics d'ozone.  .

Quels phénomènes complémentaires expliquent les pics d'ozone ?

D'autres composés présents dans l'atmosphère, tels que le monoxyde de carbone CO, et  les composés organiques volatiles COV peuvent à leur tour oxyder le monoxyde d'azote en dioxyde d'azote, et ainsi augmenter le rapport [NO2]/[ NO] et déplacer le système d'équations précitées dans le sens de la production d'ozone, conduisant à l'apparition des pics d'ozone.

A la tombée de la nuit, en l'absence du rayonnement solaire, la dissociation du NO2 n'est plus possible : il n'y a donc plus de production d'ozone, les réactions de destruction de  l'ozone deviennent alors prépondérantes et le pic d'ozone disparaît.

Les réactions chimiques impliquant le monoxyde de carbone et des COV sont complexes.
Le monoxyde de carbone CO est, d'une part, émis directement lors des processus de combustion incomplète des hydrocarbures fossiles et de la biomasse (feux de forêt) et d'autre part produit dans l'atmosphère lors de l'oxydation par le milieu atmosphérique du méthane ou d'autres  hydrocarbures.
Le CO  entre dans une succession de cycles de réactions d'oxydation où les NOx (NO2 et NO) servent de catalyseurs. En présence de NO2, il y a production d'ozone selon la réaction bilan suivante :
           CO + 2O2 —>  CO2 + O3
En absence de NO2, l'oxydation consomme O3 selon la réaction :
          CO +O3  —> CO2 + O2
Les  composés organiques volatiles COV regroupent les composés contenant du carbone, hormis CO et CO2, et ayant une pression saturante suffisamment élevée pour être volatilisés dans l'air. Ils sont en majorité produits par la végétation : les émissions naturelles sont 5 fois plus intenses que les émissions anthropiques (butane, propane, benzène…). C'est surtout de l'isoprène, C5H8 ou encore  CH2=CH-C(CH3)=CH2, qui est produit par les arbres à feuilles caduques avec des taux d'émission très variables selon les espèces. Les résineux émettent surtout des composés terpéniques.  Des travaux expérimentaux ont démontré que l'émission d'isoprène dépend de deux facteurs principaux, le rayonnement reçu par les feuilles et la température. Leur émission est maximale lors de journées chaudes et ensoleillées.
Après oxydation des molécules d'hydrocarbure par OH, les radicaux peroxyles organiques  obtenus, RO2, contribuent à la formation de NO2, polluant primaire.
           NO + RO —> NO2 + RO
 
Des situations parfois paradoxales : les pics d'ozone ont le plus souvent lieu loin des agglomérations !

En moyenne annuelle, les plus fortes valeurs de concentration d'oxydes d'azote sont relevées sur l'agglomération parisienne. En revanche, pour ce qui concerne l'ozone, le nombre de jours de dépassement de l'objectif de qualité pour la santé humaine augmente lorsque l'on s'éloigne de l'agglomération. La cartographie réalisée par Airparif illustre ce paradoxe. En Ile-de-France, les panaches d'ozone les plus intenses sont observés dans les zones rurales ou périurbaines situées entre  20 à 50 km du centre de Paris.
Ceci s'explique par l'origine des différents composés qui interviennent dans la formation de l'ozone. En effet, les sites de forte activité industrielle et de circulation automobile intense sont propices à l'émission d'oxydes d'azote. Mais les hydrocarbures et COV peuvent quant à eux être émis aussi bien par la végétation que par les activités industrielles. Donc, lors de certains épisodes de pollution par l'ozone, les masses d'air se chargent en oxydes d'azote au passage de l'agglomération, puis rencontrent une source de COV en campagne principalement au-dessus des forêts,  ce qui conduit à la production massive d'ozone si l'ensoleillement est suffisant. Le phénomène peut, de plus, être accentué par une situation anticyclonique qui ralentira la dispersion des polluants.

Mais alors, quels sont les polluants des villes ?

Si les maximums de concentration d'ozone sont souvent relevés à l'écart des agglomérations, cela ne signifie pas pour autant que la pollution soit absente de ces mêmes agglomérations : le dioxyde d'azote est également un polluant très oxydant, Par conséquent, pour évaluer le niveau de pollution oxydante, les scientifiques prennent désormais en compte la somme des concentrations d'ozone et d'oxydes d'azote. Le schéma ci-dessous, dans lequel la concentration de polluants oxydants est désignée par la lettre Ox, montre que si les évolutions des concentrations d'oxyde d'azote et d'ozone se compensent au passage de l'agglomération, la formation d'ozone altère en aval de l'agglomération  la qualité de la masse d'air déjà polluée par les oxydes d'azote.  

Enfin, d'autres éléments, tels que les particules, sont néfastes pour la santé et l'environnement. C'est pourquoi les organismes de surveillance de la qualité de l'air expriment la qualité de l'air par un indice appelé indice Atmo qui prend en compte plusieurs polluants et fait l'objet de prévisions dans les différentes régions, en Alsace par exemple.

  physique et chimie de latmosphère - R.Delmas, G.Mégie, VH Peuch


 
Traversée (de gauche à droite) schématique d'une agglomération par une masse d'air transportée par le vent. Les courbes indiquent les niveaux de concentrations obtenues au cours de la traversée. Ox représente ici la somme O3 + NO2.   © R. Delmas, G. Mégie, VH Peuch- Physique et chimie de l'atmosphère- Belin- 2005

Lutter contre la pollution

Il est extrêmement difficile d'adopter des mesures performantes pour tous les composés. Prenons l'exemple du secteur des transports routiers : le fonctionnement d'un moteur thermique consiste en une combustion d'hydrocarbures (composés contenant des atomes de carbone et d'hydrogène). Le  produit de la combustion résulte d'un équilibre fonction de différents paramètres, dont la quantité d'oxygène disponible durant cette même combustion.
Le moteur à essence fonctionne avec la quantité d'air juste suffisante pour brûler les hydrocarbures présents, ce qui limite la production d'oxydes d'azote, mais la combustion étant incomplète, le catalyseur - surtout à froid- ne parvient pas à éviter la production de  COV et de CO.
A l'inverse, le moteur Diesel fonctionne en excès d'air, ce qui lui donne un bon rendement (d'où sa réputation pour ses faibles émissions de CO2) et permet une combustion complète et donc une faible production de COV et CO. Mais, les atomes d'oxygène en excès sont disponibles pour participer à l'oxydation de l'azote très abondant (c'est le principal composé de l'air) et créer des oxydes d'azote.
Les importants efforts de recherche en cours sur les systèmes de dépollution confirment la difficulté : comme indiqué par le rapport publié en 2009 par  l'ANSES  Agence nationale de Sécurité Sanitaire, de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail, certains filtres à particules reposent sur une réaction d'oxydation, efficace pour brûler les fines particules de suie, mais qui contribue à son tour à l'oxydation de l'azote de l'air. Le phénomène, d'une part entraîne une augmentation de la concentration en dioxyde d'azote, polluant primaire, et d'autre part accroît le rapport des concentrations NO2/NO. En présence d'ensoleillement la concentration d'ozone qui résulte des seuls oxydes d'azote est augmentée, avant même l'intervention d'autres composés tels que le CO ou les COV.
Les solutions envisagées, déjà utilisées sur les poids lourds, reposent sur des systèmes de post-traitement.

La modélisation

Compte tenu de la complexité des phénomènes physico-chimiques de l'atmosphère, des modèles numériques  sont nécessaires pour les simuler et prévoir les épisodes de pollution. La conception et la validation de ces outils nécessitent préalablement l'organisation de campagnes de mesure. En France, le ministère de l'Écologie, associé à différents établissements dont Météo-France, a mis en place le dispositif de prévision Prév'air.

Évolution sur une grande échelle temporelle

D'une manière générale, la concentration d'ozone a tendance à augmenter dans la troposphère, et pas seulement dans les zones urbanisées, car la déforestation tropicale a dans ce domaine les mêmes effets que la circulation automobile. Des observations réalisées à l'observatoire du pic du Midi de Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, montrent qu'au début du XXe siècle, la concentration en ozone y était de 10 ppbv (10 parties par milliard, en volume), alors qu'elle peut atteindre maintenant 50 ppbv. Ces résultats sont assez représentatifs de l'évolution qui a eu lieu au cours de cette période dans l'hémisphère nord.
L'action des autorités, au niveau national ou international ne se limite pas à surveiller ou lutter contre les pics de pollution mais s'étend à la pollution de fond, qui correspond à la concentration moyennée sur de longues périodes, de l'ordre de l'année. L'augmentation de la  concentration de fond relative à l'ozone durant le 20ème siècle fait l'objet d'importants travaux de recherche en vue d'évaluer son impact sanitaire et de la maîtriser.

Sources : R. Delmas, G. Mégie, VH Peuch- Physique et chimie de l'atmosphère- Belin- 2005