L'atmosphère, un fluide en mouvement
L'atmosphère est cette mince enveloppe gazeuse qui entoure notre planète ; elle n'est pas du tout immobile par rapport à la Terre ; elle est au contraire animée en permanence de mouvements divers.
Ces mouvements de l'atmosphère présentent des caractéristiques extrêmement variables :
- parfois, c'est une agréable brise qui vient nous rafraîchir, par un bel après-midi d'été, quand nous sommes en bord de mer ;
- parfois, ce sont des vents violents qui balaient une grande partie de la France en s'enroulant autour d'une vaste zone de basses pressions ; de temps en temps ces vents sont si violents qu'ils peuvent déraciner les arbres et faire s'envoler les toits ;
- et, parfois, ces mouvements de l'atmosphère se présentent sous la forme d'ascendances rapides, avec des vitesses verticales de l'ordre de 10 m/s ; ces ascendances sont localisées, se produisant sur une surface horizontale peu étendue, de l'ordre du kilomètre carré, et elles peuvent donner naissance à un nuage d'orage, le célèbre cumulonimbus.
Même si cette liste est très loin d'être complète, elle permet d'illustrer la grande diversité des mouvements atmosphériques.
Mais pourquoi ces mouvements ?
Pourquoi l'atmosphère n'est-elle pas tranquillement immobile ?
Les mouvements de l'atmosphère : une réponse au « chauffage différentiel »
Notions de base sur le rayonnement
Avant d'expliquer ce qu'est le chauffage différentiel, il nous faut d'abord présenter quelques notions de base sur le rayonnement. Et d'abord, définir de quoi il s'agit.
Le rayonnement est un processus qui permet un transport d'énergie sans aucun support matériel (dans le vide, donc). Il consiste en un ensemble d'ondes électromagnétiques qui se propagent dans le vide, et à des degrés divers dans la matière, cette dernière modifiant parfois beaucoup leurs caractéristiques.
Le Soleil émet des ondes électromagnétiques…
Le système Terre-atmosphère reçoit de l'énergie du Soleil sous forme d'ondes électromagnétiques. Environ 30 % de l'énergie qui arrive au sommet de l'atmosphère est réfléchie et repart vers l'espace. Le reste de l'énergie est absorbé par le système Terre-atmosphère, l'absorption désignant ce processus physique par lequel l'énergie du rayonnement est convertie en chaleur.

Mais toutes les régions du monde n'absorbent pas la même quantité d'énergie solaire ! La figure ci-dessus (source SCARAB-CNRS/LMD) montre la puissance absorbée en moyenne annuelle ; on voit de grandes variations méridiennes avec un maximum dans les régions tropicales du fait de l'inclinaison des rayons solaires.
La Terre et l'atmosphère émettent aussi !
Eh oui, la Terre et l'atmosphère émettent, elles aussi, vers l'espace des ondes électromagnétiques, ce qui correspond pour elles à une perte d'énergie.
Que la Terre et l'atmosphère émettent des ondes électromagnétiques peut surprendre, car ces ondes ne sont pas perçues par nos sens ; ces ondes sont des infrarouges, que l'on ne peut pas voir !
Signalons à ce propos que vous aussi, cher lecteur, vous émettez des ondes électromagnétiques infrarouges. Vous êtes, au sens propre, rayonnant !
- En résumé, le système Terre-atmosphère reçoit de l'énergie (du Soleil) et en perd, sous forme de rayonnement électromagnétique infrarouge qui s'échappe vers l'espace.
Le chauffage différentiel pôles/équateur
La figure ci-dessous (d'après Gill, 1982) montre la quantité d'énergie ainsi reçue, ou perdue, par le système Terre-atmosphère, en fonction de la latitude. Dans ce bilan, on ne distingue pas les surfaces continentales, les océans et l'atmosphère : c'est un bilan global qui est illustré sur le graphique.

Courbe rouge : rayonnement solaire moyen arrivant au sommet de l'atmosphère par cercle de latitude
Courbe bleue : rayonnement solaire effectivement absorbé par le système Terre-atmosphère (gain d'énergie)
Courbe verte : rayonnement moyen émis vers l'espace par le système Terre-atmosphère (perte d'énergie)
On voit sur ce graphique qu'en moyenne annuelle, les régions polaires sont déficitaires : elles perdent plus d'énergie qu'elles n'en reçoivent, puisque la courbe verte est au-dessus de la courbe bleue.
Les régions équatoriales et tropicales sont par contre excédentaires : elles gagnent plus d'énergie par rayonnement qu'elles n'en perdent.
C'est ce contraste (pôles déficitaires, tropiques excédentaires) que l'on appelle le chauffage différentiel pôles/équateur.
Aucune région ne se réchauffe ni ne se refroidit perpétuellement, c'est grâce au transport de l'excédent d'énergie des régions tropicales vers les plus hautes latitudes.
Sans ce flux d'énergie des tropiques vers les pôles, on aurait aux pôles des températures beaucoup plus froides, et dans les régions tropicales des températures beaucoup plus chaudes, que celles effectivement rencontrées.
Ce transport d'énergie des tropiques vers les plus hautes latitudes est assuré par les mouvements des deux systèmes fluides que l'on rencontre sur Terre : l'océan et l'atmosphère.
Le chauffage différentiel sol/altitude
Quand on considère le bilan moyen (moyenné sur toute la Terre) d'énergie reçue ou perdue par rayonnement au niveau de la surface terrestre, on s'aperçoit que ce bilan est excédentaire : la surface terrestre reçoit en moyenne par rayonnement plus d'énergie qu'elle n'en perd.
Ce bilan moyen est en revanche déficitaire dans l'atmosphère à quelques kilomètres d'altitude.
Des mouvements verticaux transportent l'énergie du sol vers l'altitude : sans ces mouvements verticaux au sein de l'atmosphère, la température moyenne au sol serait intenable, d'environ 40 °C supérieure à celle effectivement rencontrée !
Comment les mouvements atmosphériques transportent l'énergie de l'équateur vers les pôles
Les cellules de Hadley : de l'équateur jusqu'à 30°
Le transport d'énergie de l'équateur vers les pôles est amorcé par deux cellules, appelées cellules de Hadley, d'après le nom du savant George Hadley.

Celui-ci avait imaginé, en 1735, une circulation en forme de boucle (une boucle dans chaque hémisphère), avec des ascendances à l'équateur et des mouvements descendants aux pôles, illustrée ci-contre.

En fait, Hadley s'est trompé, et si les cellules qui portent son nom existent en effet, elles ne se prolongent pas jusqu'aux pôles mais s'interrompent vers 30° de latitude, comme illustré ci-contre.
La cause de cette interruption des cellules vers 30° est une force bien connue des météorologistes : la force de Coriolis, liée à la rotation de la Terre sur elle-même. On peut montrer que cette force dévie les trajectoires, vers leur droite dans l'hémisphère Nord et vers leur gauche dans l'hémisphère Sud. Cet effet n'est pas perceptible pour des mouvements à petite échelle : je n'ai pas besoin de m'en préoccuper quand je lance une balle, par exemple. Il est au contraire crucial pour des mouvements de grande échelle, comme le mouvement vers le pôle d'une particule d'air atmosphérique prise dans une cellule de Hadley.
Le mouvement vers le pôle des particules d'air est dévié par la force de Coriolis, jusqu'à produire des vents quasi zonaux, c'est-à-dire orientés le long d'un parallèle, soufflant en altitude d'ouest en est.
Les cellules de Hadley transportent donc de l'énergie de l'équateur jusqu'à 30° de latitude environ, mais ne peuvent se prolonger au-delà.
Signalons que le transport d'énergie de l'équateur vers 30° se fait sous forme d'un transport d'énergie potentielle de gravité : des particules d'air en altitude, et possédant donc beaucoup d'énergie potentielle, se dirigent de l'équateur vers les tropiques ; les particules d'air se dirigeant vers l'équateur se trouvent, elles, près du sol et ont donc une faible énergie potentielle.
Et au-delà de 30° ?
Ce sont les perturbations des moyennes latitudes qui prennent le relai des cellules de Hadley et permettent de transporter l'énergie vers les pôles.

Les perturbations, ce sont ces vastes enroulements nuageux autour d'une dépression, avec des vents tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre autour de la dépression dans l'hémisphère Nord (dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère Sud).
Ces perturbations nous sont familières, et nous n'aimons guère les voir annoncer au cours du bulletin météo car elles riment avec nuages, pluie et vent. Et pourtant elles nous sont très utiles : elles permettent, à travers les mouvements méridiens (mouvement du nord vers le sud, ou du sud vers le nord) qu'elles génèrent, à l'air chaud et humide de migrer vers les pôles, et à l'air froid et sec de descendre en direction des tropiques, réduisant le contraste de température entre ces régions du globe.
Comment les mouvements atmosphériques transportent l'énergie de la surface terrestre vers l'atmosphère ?
On a vu qu'en moyenne, la surface terrestre reçoit plus d'énergie par rayonnement qu'elle n'en perd ; dans l'atmosphère, c'est l'inverse.
Heureusement pour nous, l'excédent d'énergie au sol est efficacement transporté vers l'altitude (où justement on manque d'énergie !) par les mouvements de l'atmosphère, en particulier par la convection. Cela nous évite des températures insupportablement chaudes au sol !
La convection, c'est l'apparition de mouvements verticaux intenses et localisés, qui se produisent quand les basses couches sont suffisamment chaudes, et se traduisent par des nuages en forme de chou-fleur : les cumulus ou les cumulonimbus, comme ceux que l'on voit sur la photo ci-dessous.

Ces mouvements verticaux permettent de transporter l'énergie du sol vers l'altitude. Pour comprendre comment, il faut se rappeler que les changements d'état de l'eau absorbent ou libèrent de très grandes quantités d'énergie, appelée chaleur latente.
L'évaporation, qui se produit au-dessus des océans et des mers, consomme de la chaleur latente : c'est donc de l'énergie qui est prélevée près du sol. Lorsqu'une particule d'air atmosphérique s'élève et qu'en altitude une partie de sa vapeur d'eau se condense en eau liquide ou solide, cette chaleur latente est libérée, c'est-à-dire restituée à l'atmosphère en altitude.
Les nuages convectifs assurent ainsi un transport d'énergie du sol vers l'altitude.
En zone tropicale, les cyclones assurent ce même rôle de transport d'énergie, de la surface de notre planète (au-dessus d'un océan chaud, ayant stocké beaucoup de chaleur) vers l'altitude.

Cyclone Dina, 22 janvier 2002.
Image infrarouge colorée. Source : Météo-France
Conclusion
La description des mouvements atmosphériques présentée dans ce petit texte n'est pas exhaustive. Il manque en particulier la description de l'influence sur le vent de la surface terrestre : les montagnes, les vallées, les îles, les zones côtières… exercent une influence sur l'écoulement de l'air. Il n'était guère possible en un texte de quelques pages de décrire sans rien omettre le foisonnement de mouvements qui agitent l'atmosphère.
Ce qu'il faut retenir, c'est que les mouvements atmosphériques, pour désagréables qu'ils puissent être parfois (tempêtes aux moyennes latitudes, cyclones tropicaux, orages…), nous assurent des conditions de vie sur Terre globalement agréables : ils permettent de transporter l'énergie des régions où l'on en a trop vers les régions où l'on en manque, et donc de réduire les contrastes de température entre les pôles et l'équateur, et entre le sol et l'altitude.
C'est grâce à ces mouvements que les températures ne sont jamais vraiment intolérablement froides ou chaudes.
Donc, cher lecteur, si d'aventure vous êtes trempé par une violente averse, souriez ! C'est pour votre bien…
La zone de convergence intertropicale
Définition
La zone de convergence intertropicale (ZCIT) désigne la région située près de l'équateur vers laquelle convergent les vents alizés.
Le soulèvement de grande ampleur provoque alors le déclenchement de phénomènes convectifs.
La ZCIT est ainsi constituée d'amas de nuages1 : des cumulus à forte extension verticale et, surtout, des cumulonimbus. Ces derniers peuvent être associés en amas de grande taille. De l'ordre de 200 kilomètres de diamètre, ils peuvent atteindre 1 000 à 2 000 kilomètres sur certaines zones géographiques comme le Pacifique Ouest et l'Indonésie.
On désigne aussi la ZCIT, de façon courante, par le terme de « Pot au noir » utilisé par les marins, puis par les aviateurs, depuis l'époque des pionniers de l'aéropostale jusqu'à aujourd'hui.

Amas convectifs de la ZCIT – Été boréal en haut et hiver en bas (Source Météo-France)
Ce terme désignait au XIXe siècle une situation peu claire et source de danger.
Et, en effet, la situation météorologique correspondante sur les océans est très incertaine. Le calme est apparent avec peu ou pas de vent, mais soudain se déclenchent de fréquents orages, voire de violentes tempêtes particulièrement redoutables. À l'échelle planétaire, les contours de la ZCIT sont définis par la position moyenne de ces amas convectifs sur une échelle temporelle de l'ordre du mois.

Contours de la ZCIT - Été boréal en haut et hiver en bas - © Météo-France
Principe de formation
Rappel sur la circulation générale
La ZCIT est une conséquence du déséquilibre énergétique entre les régions intertropicales, excédentaires, et les régions polaires déficitaires.
Un tel déséquilibre, généré surtout par le rayonnement solaire, devrait entraîner un réchauffement permanent à l'équateur et un refroidissement tout aussi permanent aux pôles. Ainsi, en l'absence d'autres phénomènes, devrait-on observer un contraste de température bien supérieur à celui constaté entre zones polaires et intertropicales.
La « réponse » du fluide atmosphérique et des océans tend à limiter cette différence thermique. Les moyennes climatologiques sont la marque de cette force de rappel.
La caractéristique de la circulation générale des courants aériens et océaniques est d'assurer un flux méridien d'énergie vers les régions polaires.
Hadley pensait au XVIIIe siècle que ces courants allaient de l'équateur aux pôles en altitude et des pôles à l'équateur en surface. Mais la rotation de la Terre impose une accélération des particules en mouvement vers la droite dans l'hémisphère Nord et vers la gauche dans l'hémisphère Sud. C'est le principe de conservation du moment cinétique cher aux patineurs qui tournent sur eux-mêmes plus vite en ramenant les bras vers le corps. Ainsi, en se rapprochant de l'axe de rotation de la Terre, les particules d'air tournent plus rapidement que la Terre d'ouest en est et des vents très forts se forment en altitude : ce sont les jets d'ouest subtropicaux (JOST). De plus, l'effet est accentué par l'effet de la force de Coriolis qui incline de plus en plus le mouvement méridien vers un mouvement zonal orienté d'ouest en est.
Pour autant, les cellules de Hadley ne vont guère au-delà des latitudes de 30° nord et sud car, au-delà, les vents d'ouest seraient trop forts et « s'autolimitent » par de trop fortes turbulences.
Au-delà, ce sont les perturbations des moyennes latitudes qui prennent le relais, amenant de l'air froid vers le sud et de l'air chaud vers le nord.

Les alizés
C'est dans la zone intertropicale que les vents de basses couches constituant les alizés vont converger. Ils ne concernent que la couche de turbulence allant du sol à 2 000 mètres voire 3 000 mètres d'altitude. Leur orientation sera de nord-est dans l'hémisphère Nord et de sud-est dans l'hémisphère Sud.
Cet afflux de masse atmosphérique va générer des mouvements verticaux de grande échelle. Dans ces vastes zones d'ascendance, des foyers convectifs beaucoup plus intenses vont pouvoir se former et caractériser ainsi la ZCIT.
Effets climatiques
Déplacement au cours de l'année
La localisation de la zone de convergence intertropicale oscille en latitude suivant les saisons. Elle suit les mouvements de la zone de maximum de température au sol, correspondant à l'équateur météorologique (EM) et qui découle des mouvements apparents du Soleil, avec une inertie de 6 à 8 semaines.
La ZCIT se décale donc vers le nord pendant l'été boréal, et reflue vers le sud pendant l'hiver.
On peut aussi noter que cette oscillation saisonnière est dissymétrique du fait de la plus grande surface continentale de l'hémisphère boréal : la position moyenne de la ZCIT est de 15° N en été, de l'ordre de 5° S en hiver boréal.
Les variations de la ZCIT ont un effet important sur la climatologie des régions intertropicales car le balayage de cette zone de fortes précipitations constitue la saison des pluies.
De plus, l'amplitude de son oscillation est fonction d'éléments géographiques. Peu importante sur les océans Pacifique et Atlantique, elle sera bien plus conséquente sur l'océan Indien : remontant sur le continent asiatique en été, elle redescend jusque vers Madagascar en hiver boréal. Ce qui constitue la mousson d'Asie.
À noter qu'en hiver, la mousson d'Asie se caractérise par un temps sec sur l'océan Indien : les nuages et la pluie restent bloqués au nord du massif himalayen ; les pluies caractéristiques de la ZCIT, bien plus au sud, auront alors un caractère discontinu.

Mousson d'Hiver sur l'Océan Indien Nord. Image du satellite Météosat 5 du 5 décembre 2001 à 16 h UTC. Le continent Indien et l'Océan Indien Nord sont libres de nuages.

Mousson d'été sur l'Océan Indien Nord. Image du satellite Météosat 5 du 13 juin 2001 à 16 h UTC.Sur l'ouest de la mer d'Oman, les cirus (en bleu) s'alignent dans le flux de la mousson de Sud-Ouest. Sur l'Est de la mer d'Oman, l'Inde et le golfe du Bengale, des cumulonimbus (masses blanches) engendrent averses et orages.
Le terme générique de Mousson est d'origine arabe : « Mausim » signifie « saison ».
Cette appellation a été généralisée à toutes les zones géographiques du globe concernées par ces fluctuations. Il existe ainsi une mousson africaine, caractérisant surtout l'Afrique de l'Ouest, une mousson chinoise, une mousson malgache, etc.
Différences d'activité
L'activité de la ZCIT est fonction de différents paramètres dont le principal est la température de surface de la Terre. On comprend aisément que cette température influe favorablement la convection nuageuse et le déclenchement d'épisodes orageux.
Or la température continentale est plus forte en été que la température maritime. Mais, de plus, la température de surface de la mer est liée à l'influence de courants de dérives. On observe, en particulier, des « upwellings », soit des remontées d'eaux froides sous-jacentes, sur des zones côtières.
Moyennes des températures de surface en °C. Hiver boréal en haut - été boréal en bas
Ces zones plus fraîches en surface peuvent être générées par un vent de terre : c'est typiquement ce qui se produit avec du mistral ou de la tramontane en méditerranée : l'eau chaude de surface est déportée au large et se trouve remplacée par de l'eau plus froide.
C'est également le cas lorsque le vent souffle parallèlement à une côte. Les eaux de surface suivront cette contrainte, mais seront, de plus, déviées vers la droite dans l'hémisphère Nord, et vers la gauche dans l'hémisphère Sud à cause de l'effet de la force de Coriolis.
Les courants des Canaries et de Californie dans l'hémisphère Nord, de Humboldt et de Benguela dans l'hémisphère Sud vont être ainsi déviés vers le large à partir de la sollicitation du vent, lui-même orienté autour des anticyclones subtropicaux (respectivement des Açores, d'Hawaii, de l'île de Pâques, de Sainte-Hélène).
La convection ne se déclenchera donc pas sur ces régions, mais plutôt sur des zones chaudes.
À grande échelle, on peut observer alors une circulation obéissant au fonctionnement des « cellules de Walker ».
La cellule type du Pacifique est représentée ci-après.
On observe ainsi une convection quasi permanente sur l'Indonésie, associée à une absence de convection aux abords de l'Amérique latine au sud de l'Équateur.

Principe de fonctionnement d'une cellule de Walker sur le Pacifique - Source Météo-France
Ainsi, la circulation générale de l'atmosphère est très complexe.
Elle est soumise :
- aux cellules de Hadley suivant les axes méridiens ;
- à la circulation croisée des cellules de Walker suivant les parallèles ;
- aux spécificités géographiques de surface.

Circulation de Walker dans un plan équatorial-vertical. - Source : Newell, 1979
On comprendra que la prévision météorologique est particulièrement complexe aux latitudes intertropicales puisque liée, de plus, à une grande diversité d'échelles.
C'est un peu comme si l'on voulait prévoir des orages à nos moyennes latitudes.
Leur localisation, leur durée de vie et la quantification des phénomènes associés est particulièrement difficile à appréhender même si les récents progrès en modélisation numérique permettent de mieux approcher ce type de prévision journalière.
Cas particulier du front intertropical (FIT)
Sur le continent africain, on assimile souvent la ZCIT au front intertropical (FIT).
Or, le FIT a une autre signification : il s'agit de la zone de confluence des alizés de nord, très chauds et très secs, désignés sous le nom d'Harmattan, et des alizés de sud, moins chauds et plus humides venant du golfe de Guinée.
Leur confluence est assez facilement repérable en surface.
Elle ne donne lieu à aucun phénomène particulier : ciel clair, absence de vent.
En revanche, le maximum de convergence, associé à la plus grande variation de vent suivant la latitude s'effectue plusieurs centaines de kilomètres au nord et au sud de la rencontre des alizés.
Au nord, cela ne se traduira pas par de la convection nuageuse car l'air y est trop sec.
Par contre, au sud, cette zone peut déclencher la formation de systèmes convectifs de plus ou moins grande taille, constituant des systèmes convectifs de moyenne échelle (CSM) ou encore de lignes de grains.
Ces systèmes ont un cycle de vie propre, mais vont également se déplacer d'est en ouest : ce sont des « ondes d'est africaines ».
Elles résultent de la combinaison de différents facteurs parmi lesquels la convection générée par la cellule de Walker indirecte concernant le continent africain : ascendance en Afrique équatoriale et descente à l'est de la Corne de l'Afrique.
En arrivant sur l'Atlantique et se combinant à des situations particulières, ces systèmes peuvent alors donner naissance aux tempêtes tropicales susceptibles de se transformer en cyclones tropicaux.

Canal vapeur d'eau ; Météosat,17/06/97 - Les zones en jaune et rouge représentent les ondes d'est africaines
L'effet de Coriolis

La circulation des masses d'air dans l'atmosphère ou des masses d'eau dans l'océan à l'échelle de la planète ne peut s'expliquer que si l'on prend en compte la " force " de Coriolis liée à la rotation de la Terre sur elle-même. Prenons quelques exemples.
Gustave Gaspard de Coriolis (1792-1843)
La cellule de Hadley
Pour expliquer la circulation des masses d'air dans l'atmosphère à l'échelle de la planète, Hadley en 1735, a émis l'hypothèse d'une convection méridienne de l'équateur jusqu'au pôle pour chacun des hémisphères. Cette hypothèse est fausse : la cellule s'arrête aux environs de 30° de latitude. Il faut tenir compte de la rotation de la Terre et de la " force " de Coriolis.

L'hypothèse de Hadley : une cellule de convection par hémisphère.
En réalité, la cellule de Hadley ne s'étend pas au-delà du 30è parallèle
Figures extraites de l'animation " La circulation générale de l'atmosphère"-©Météo France
L'enroulement des perturbations des moyennes latitudes (hémisphère nord)

Situation du 21 janvier 2012 à 12h TU. Image satellitaire, champs de pression au niveau de la mer et schématisation des fronts. © Météo-France
On observe que le vent de grande échelle tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre autour des dépressions et dans le sens des aiguilles d'une montre autour des anticyclones (zones de hautes pressions). Cela vérifie la règle de Byus-Ballot. Christophorus Henricus Byus-Ballot (1817-1890) est un météorologiste hollandais qui, en 1857, a déduit de ses observations cette relation entre vent et pression.
Et dans l'hémisphère sud ?
L'animation ci-dessous, qui combine les données de six satellites, nous permet d'observer les déplacements des nuages à l'échelle de la planète. On constate que les perturbations des moyennes latitudes s'enroulent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre au nord et dans le sens contraire au sud. Par contre l'équateur est marqué par une ligne de nuages sans enroulement. On voit aussi les courant jets qui s'échappent des zones intertropicales dans un mouvement vers l'est.

Image Hexasat du 19 mai 2008 à 18h TU, résultat de la compilation des données de six satellites
Les cyclones
Les cyclones apparaissent sur les images satellitaires sous la forme d'organisations nuageuses formant des tourbillons circulaires tournant dans le sens antihoraire dans l'hémisphère nord et dans le sens horaire dans l'hémisphère sud.

Photo de gauche : Le cyclone Isabel au nord de la République Dominicaine dans l'Atlantique nord - Image Noaa, septembre 2003. ©Noaa
Photo de droite : le cyclone Gaël, proche de l'Île de Madagascar dans l'Océan Indien - Image Météosat 7 du 08/02/2009 à 10h30 UTC © Eumetsat
Documents extraits du dossier sur les cyclones
Les upwellings
Dans l'océan, le vent est le moteur dominant de la circulation océanique de surface. A la fin du 19è siècle le norvégien Fridjof Nansen remarqua au cours d'un long périple où il resta piégé dans les glaces arctiques, que les morceaux de banquise ne dérivaient pas dans la direction du vent mais sur sa droite. C'est un effet de la "force" de Coriolis. C'est elle aussi qui intervient dans les upwellings.

Remontée des eaux profondes atlantiques au niveau du courant circumpolaire antarctique
Sous l'effet de la force de Coriolis, les masses d'eau entraînées par les vents d'ouest sont déviées vers le nord, tandis que les masses d'eau entraînées par les vents d'est sont déviées vers le sud. A la limite entre vents d'est et vents d'ouest, les eaux de surface s'écartent, créant une remontée des eaux profondes. (Animation "La circulation océanique". © Météo-France
Le rôle de la "force" de Coriolis sur le déplacement des masses d'air
Les déplacements des fluides dans l'atmosphère et l'océan sont influencés par la rotation de la Terre. Nous en avons vu quelques exemples dans le chapitre précédent.
Comprendre le mouvement des masses d'air implique :
- de prendre en compte la relativité du mouvement : la trajectoire du point mobile dépend du référentiel choisi par l'observateur,
- d'identifier les forces qui s'appliquent sur les particules d'air en déplacement.
Référentiels
Un référentiel est un repère par rapport auquel on étudie le mouvement d'un objet.
Considérons un palet qui se déplace sur un plateau à coussin d'air horizontal.
1. Le plateau est immobile. Après avoir été lancé, le palet poursuit son mouvement selon une ligne droite à vitesse constante - il n'y a pas de frottement. Le local - avec le plateau qu'il contient - constitue un référentiel dit galiléen.
Animation
2. On met le plateau en rotation à vitesse constante. Un observateur fixé au disque - référentiel tournant - observe la trajectoire du mobile sur le plateau : c'est une courbe.
Mais pour l'observateur situé dans le local immobile - référentiel galiléen, qui lui contient le plateau en train de tourner - la trajectoire du mobile est toujours une droite. Durant le même temps, le palet a poursuivi sa course en ligne droite sur son coussin d'air tandis que le plateau tournait en-dessous.
Ainsi, on constate que selon le référentiel dans lequel se situe l'observateur la trajectoire du mobile n'est pas la même.
Forces
On appelle " force " toute cause capable de produire ou de modifier le mouvement d'un corps.
Pour notre exemple, dans le référentiel fixe, le mobile est animé d'un mouvement rectiligne uniforme. Aucune force ne s'applique sur lui.
Dans le référentiel tournant, la trajectoire décrit une courbe. Il y a modification du mouvement, donc changement de la vitesse en valeur numérique et en direction, c'est à dire accélération du mouvement. D'après la deuxième loi de Newton, dans un repère galiléen, l'accélération subie par un corps est proportionnelle à la somme des forces qu'il reçoit. Il existe donc dans un référentiel tournant une " force " complémentaire susceptible d'expliquer la déviation des mouvements par rapport au cas galiléen. C'est une force d'inertie : la " force " de Coriolis. Elle dépend à la fois de la vitesse propre du mobile et de la vitesse de rotation du référentiel tournant.
Quelle est la situation sur la Terre ?
La Terre tourne sur elle-même en 24 heures. Toute particule en mouvement dans le référentiel Terre en rotation est soumise à la " force " de Coriolis.
On démontre que sur Terre la " force " de Coriolis est :
- nulle à l'équateur,
- maximale aux pôles,
- perpendiculaire à la vitesse, à sa droite dans l'hémisphère nord, à sa gauche dans l'hémisphère sud.
En fait, son effet est négligeable sur la plupart des mobiles se déplaçant à la surface de la Terre.
Exemple : un camion de 8 tonnes roulant à une vitesse de 100 km/h à une latitude de 45° nord subit une " force " de Coriolis équivalente en intensité à celle du poids d'une masse de 8 g.
Son rôle est par contre fondamental en ce qui concerne les masses d'air et les masses d'eau de taille considérable constituant les enveloppes externes fluides du globe car les autres forces appliquées sont alors du même ordre de grandeur que la " force " de Coriolis.
Recherchons les forces qui s'exercent sur une particule d'air en déplacement
La force de pression s'exerce perpendiculairement aux isobares, des hautes vers les basses pressions. Elle entraîne le déplacement de la particule à une certaine vitesse V.
La particule étant en mouvement dans un repère tournant, la " force " de Coriolis s'exerce perpendiculairement à la vitesse, vers la droite dans l'hémisphère nord, vers la gauche dans l'hémisphère sud. Le mouvement de la particule va donc être modifié sous l'action conjuguée de la force de pression et de la " force " de Coriolis, jusqu'à ce que les directions de ces forces deviennent opposées. La particule poursuit alors son mouvement en suivant une ligne isobare. Appelé vent géostrophique, le vent résultant de cet équilibre est proche du vent réel en altitude.

Forces qui s'exercent sur une particule d'air en déplacement en haute altitude © M. Revault d'Allonnes
Le déplacement des masses d'air est donc tributaire de la répartition des zones de hautes et de basses pressions et de la " force" de Coriolis. On observe de vastes mouvements giratoires horizontaux. Dans l'hémisphère nord, l'air tourne autour des basses pressions dans le sens anti horaire et autour des hautes pressions dans le sens horaire. Dans l'hémisphère sud, c'est le contraire.
Ces mouvements sont ceux que l'on observe à haute altitude.

Rotation du vent autour d'une dépression et d'un anticyclone selon l'hémisphère- © M. Revault d'Allonnes
À basse altitude, dans les premiers mille mètres, il faut tenir compte d'une troisième force, celle du frottement de l'air sur la rugosité du sol. La force de frottement s'oppose au déplacement de l'air. Elle réduit la vitesse du vent et donc la déflexion due à la " force " de Coriolis. Un nouvel équilibre s'établit entre la force de pression, la force de Coriolis et la force de frottement qui modifie la direction du déplacement de l'air. Le vent résultant de l'équilibre de ces trois forces est proche du vent réel au sol. Ainsi, dans l'hémisphère nord, près du sol, le vent sort d'un anticyclone en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre autour d'une haute pression, il diverge. Il rentre en tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, dans la dépression, il converge.

Forces qui s'exercent sur une particule d'air en déplacement à basse altitude © M. Revault d'Allonnes

Les déplacements d'air horizontaux s'accompagnent de déplacements d'air verticaux. Au niveau du sol, les vents qui convergent vers une zone de basse pression (dépression) créent un courant d'air ascendant qui, chargé d'humidité, peut engendrer une couverture nuageuse, alors que les vents qui s'échappent d'une zone de haute pression au niveau du sol (anticyclone) créent une subsidence d'air généralement sec donc sans nuages.

Direction des déplacements d'air dans une zone de basse pression et dans une zone de haute pression
situées dans l'hémisphère nord. © M. Revault d'Allonnes
Conclusion
Pourquoi mettre " force" de Coriolis entre guillemets ?
Il ne s'agit pas d'une force physique liée à une interaction électrique ou magnétique mais d'une force d'inertie comme la force centrifuge que l'on ressent sur un manège ou en voiture dans un virage. Il s'agit en fait d'une accélération complémentaire, ce que démontre l'écriture mathématique de la loi de composition des accélérations.
La loi de Newton conçue pour un référentiel galiléen reste valable dans un référentiel tournant à condition de faire intervenir une " force " de Coriolis.
Quelques réflexions sur la force de Coriolis
Quelques réflexions sur la force de Coriolis
Claude Pastre -Décembre 2005
Inventée au début du XIXe siècle par Gaspard Coriolis, la force de Coriolis est une force d'inertie. C'est à dire qu'elle n'a pas l'existence d'une " vraie " force, c'est une accélération qui apparaît lorsqu'on décrit un mouvement dans un repère en rotation. Pour ma part, je préfère d'ailleurs l'appeler accélération de Coriolis plutôt que force. C'est un animal étrange, parfois proche de l'illusion, parfois dure réalité, en tous cas un concept assez difficile à maîtriser si on en juge par les erreurs d'interprétation qu'il occasionne, en particulier lorsque l'on essaye d'en expliquer les effets sans utiliser d'équations.
Essayons de bien comprendre Coriolis sur quelques exemples simples.
1 - Trajectoire sur un disque en rotation
Imaginons que nous sommes dans un espace à deux dimensions. XOY est un repère galiléen. Un mobile M parcourt l'axe OX d'un mouvement rectiligne uniforme de vitesse {C}
. Il n'est donc soumis à aucune accélération.
Un disque centré en O porte le repère xOy. Si le disque ne tourne pas, la trajectoire de M sur le disque à partir de O suit un rayon jusqu'au bord du disque (figure 1).
{C}

Mettons le disque en rotation à une vitesse uniforme de{C}
radians.s-1. La trajectoire sur le disque (c'est à dire la trajectoire telle que la voit un observateur fixé au disque) sera alors une spirale (figure 2), tandis que dans le repère galiléen, la trajectoire sera toujours la droite OX.

Dans le repère du disque, la trajectoire n'est pas celle d'un mouvement rectiligne et uniforme, il faut donc une accélération pour expliquer le mouvement. C'est l'accélération de Coriolis, donnée par
où
est un vecteur perpendiculaire au plan du disque de module
et
est le vecteur vitesse par rapport au disque.
L'expérience du disque tournant est souvent utilisée dans les musées ou expositions scientifiques pour montrer l'effet de l'accélération de Coriolis, par exemple avec un grand plateau portant un joueur de pétanque qui manquera alors à coup sûr la cible qu'il aura visée. Le musée, porté par la Terre, n'est pas vraiment un repère galiléen, mais la vitesse de rotation de la Terre est suffisamment faible pour que l'accélération de Coriolis due à la rotation de la Terre soit négligeable à l'échelle de l'expérience.
On a coutume de dire pour expliquer l'effet de l'accélération de Coriolis dans cette expérience que " le disque tourne sous le mobile en déplacement qui est donc dévié par rapport au disque en sens inverse de la rotation ". Dans notre exemple, cette phrase est correcte. Cependant elle contient des ambiguïtés qui peuvent conduire à des erreurs de raisonnement. Nous verrons cela dans un autre exemple plus loin.
2 - Mouvement dans un repère tournant d'un point qui reste fixe dans le repère galiléen
Restons dans l'espace à deux dimensions de l'exemple précédent, celui du disque qui tourne. Si nous étions dans l'espace à trois dimensions, nous pourrions dire que le problème que nous allons étudier est celui d'un point fixe de la sphère céleste, une étoile, dans son mouvement par rapport à la Terre en rotation.
{C}

Nous avons XOY, repère galiléen avec un point M situé à la distance D de O. Le disque portant le repère xOy tourne à la vitesse {C}
radians.s-1. Les coordonnées de M à l'instant t dans le repère tournant sont :

Calculons la vitesse
:

On remarque que cette vitesse est égale à l'opposé de ce que l'on appelle la vitesse d'entraînement du solide en rotation :
{C}
Calculons l'accélération relative :

Il s'agit d'un vecteur porté par OX mais en sens inverse de
. Il va de M vers O et son module est
. Comment l'interpréter ? Un petit artifice supplémentaire va nous y aider. On peut réécrire les composantes de l'accélération sous la forme :

Tout s'éclaire !
Les premiers termes :
{C}
représentent {C}
, soit l'accélération d'entraînement du solide en rotation, c'est-à-dire la force centrifuge qui tend à éloigner le point du centre de rotation.
Les seconds termes :

sont les composantes du vecteur
, c'est-à-dire l'accélération de Coriolis.
Cet exemple fait ressortir le côté fictif des forces d'inertie : tandis que l'étoile contemple la scène dans son indifférente fixité, le pauvre observateur lié à sa planète en rotation, doit, pour expliquer le mouvement qu'il perçoit, " inventer " une force centrifuge qui repousse l'étoile, puis une " force " de Coriolis qui dans ce cas particulier est opposée à la force centrifuge et de module double, ce qui permet à l'étoile non seulement de ne pas s'éloigner, mais aussi de décrire dans le repère tournant une courbe de courbure constante, c'est à dire un cercle de centre O.
On comprend mieux alors les difficultés des Anciens confrontés au mouvement apparent des corps célestes alors qu'ils n'avaient pas le bénéfice de l'enseignement de Galilée, Newton, Coriolis et autres distingués mécaniciens. Notons aussi, sur cet exemple caricatural, mais également à propos de l'exemple précédent, à quel point le choix du repère est important lorsque l'on veut décrire un mouvement sans se compliquer la vie. Dans ces deux exemples, aucun mécanicien n'ira choisir un repère tournant pour décrire les déplacements de mobiles dont le mouvement est simple dans un repère galiléen, sauf à avoir de vraiment bonnes raisons, comme de devoir pointer un télescope terrestre vers une étoile, ou une antenne vers un satellite, par exemple.
3 - Un satellite artificiel un peu particulier
Notre planète sera déjà un peu particulière : une sphère parfaite de rayon R à la surface parfaitement lisse, tournant à vitesse uniforme
autour de l'axe de ses pôles (OZ dans le repère absolu, confondu avec Oz du repère relatif lié à la planète). XYZ est le repère galiléen, xyz le repère en rotation. xOy définit le plan de l'équateur de la planète.
Notre mobile M se déplace d'un mouvement uniforme (module de la vitesse constant) sur un cercle dans le plan XOZ contenant l'axe des pôles. Il glisse sans aucun frottement sur la planète. Ceci veut dire qu'il reste sur le cercle contenu dans le plan XOZ, fixe dans le repère galiléen, tandis que la planète tourne.
{C}

On pourrait dire que ce mobile est une sorte de satellite artificiel de la planète (sauf que nous ne nous préoccupons pas de savoir comment il a été mis en mouvement, et si sa vitesse absolue est celle qui correspond à une orbite circulaire stable de rayon R autour de la planète).
La figure 5 présente le système en projection sur l'équateur, vu depuis l'axe au-dessus du pôle Nord.
{C}

Considérons le mobile à son passage au pôle Nord. Prenons Ox confondu avec OX à cet instant, portant donc le vecteur vitesse {C}
du mobile. Ce vecteur pointe vers le sud. " La planète tourne sous le mobile, le mouvement de celui-ci va être dévié vers l'est ". C'est vrai. C'est ce que nous indique l'accélération de Coriolis {C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}
dont la composante tangentielle (la composante perpendiculaire se confond avec le champ de gravité) à la planète est dirigée vers la droite de la trajectoire, l'est en la circonstance, tant que le mobile est dans l'hémisphère Nord. Au fur et à mesure que M descend vers l'équateur, sa trajectoire sur la planète continue de s'incurver vers l'est, mais de moins en moins vite. La composante tangentielle de l'accélération de Coriolis diminue en effet comme le sinus de la latitude et s'annule à l'équateur, ce qui n'empêche pas le mouvement du mobile d'avoir encore à cet endroit une composante vers l'est. Sur la figure 5, le point M décrit un va-et-vient sur l'axe OX entre les deux extrémités du diamètre. La courbe rouge continue représente la trajectoire sur la planète qui a tourné de {C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}
depuis l'instant initial (les pointillés marquent la trajectoire future dans l'hémisphère Nord et les tiretés la future trajectoire cachée dans l'hémisphère Sud).
On peut comprendre maintenant où se trouvait l'ambiguïté de la phrase utilisée plus haut ("la planète tourne sous lui, son mouvement va donc être dévié vers l'est") : à l'équateur, cette phrase n'a pas de sens. A l'équateur, on peut certes encore dire d'une certaine manière que la Terre tourne, mais pas autour de la verticale locale du mobile. En revanche, la Terre se déplace sous le mobile. C'est d'ailleurs à l'équateur que la vitesse relative du satellite a sa plus forte composante vers l'est bien que l'accélération tangentielle de Coriolis soit nulle (cette composante vers l'est est l'opposée de la vitesse d'entraînement, variant comme le cosinus de la latitude).
Lorsque le mobile continue vers le pôle Sud, sa vitesse continue à avoir une composante vers l'est, mais sa trajectoire se courbe dans l'autre sens, vers l'ouest, l'accélération de Coriolis ayant changé de signe et se remettant à croître en valeur absolue. Tout au long de la trajectoire, la vitesse du mobile par rapport à la planète n'aura jamais de composante vers l'ouest, la vitesse d'entraînement étant toujours dans le même sens, aussi bien dans l'hémisphère Sud où l'accélération de Coriolis change de sens.
Retenons donc de cet exemple qu'il faut être prudent avec le langage lorsqu'il s'agit de décrire sans équations les effets de l'accélération de Coriolis. Il faut d'une part identifier avec soin la rotation dont on parle : il s'agit de la rotation locale, d'axe perpendiculaire à la vitesse relative du mobile. Il faut d'autre part éviter de parler de direction du mouvement et se concentrer sur la courbure de la trajectoire (c'est-à-dire le changement de direction).
4 - Attention !
Dans tout ce qui précède,on a peut-être trop insisté sur le caractère " fictif " des forces d'inertie. Il ne faudrait pas en conclure que ces forces n'ont pas d'effet réel. Certes les exemples choisis plus haut pourraient le laisser croire, mais il s'agit d'exemples un peu caricaturaux. Ce sont des mouvements simples dans un repère galiléen, indépendants du repère en mouvement où on veut les décrire. La situation est différente quand il s'agit de mouvements relatifs dans un repère en mouvement : dans une voiture roulant à 130 km/h sur l'autoroute, si le conducteur donne un coup de frein brutal, la force d'inertie, pour fictive qu'elle soit, vous écrasera contre le pare-brise si vous n'avez pas attaché votre ceinture ! Et pour revenir à notre sujet, c'est bien l'accélération de Coriolis qui fait tourner le vent autour des basses pressions dans le sens positif dans l'hémisphère Nord et dans le sens négatif dans l'hémisphère Sud.
5 - Une question subsidiaire pour vérifier vos connaissances
Vous êtes sur la Terre à Paris, devant un puits très profond. Le puits est parfaitement cylindrique et parfaitement vertical. Dans l'axe du puits, vous lâchez une bille de métal dense en veillant à ne lui donner aucune impulsion latérale. Que va-t-il se passer ? Choisissez parmi les réponses ci-dessous :
- Soumise uniquement à la gravité, la bille tombe suivant la verticale ; la Terre qui tourne d'ouest en est la rattrape ; pour l'observateur elle est donc déviée vers l'ouest.
- La bille tourne à la même vitesse que la surface de la Terre ; elle descend vers des couches qui tournent de moins en moins vite par rapport à l'axe de rotation de la Terre ; c'est donc la bille qui rattrape la Terre ; l'observateur la voit être déviée vers l'est.
- Ni la réponse a) ni la réponse b) ne sont correctes ; la bonne réponse est ...
Réponse à la question subsidiaire
La réponse b est correcte. C'est une transcription en langage courant du théorème de conservation du moment cinétique, autre façon de décrire les mouvements tournants. La conservation du moment cinétique est d'ailleurs un concept plus facile à maîtriser que l'accélération de Coriolis. On peut dans le cas de cette bille, faire l'analogie avec le patineur qui accélère son mouvement de toupie en rapprochant bras et jambes de l'axe de son corps.
Cependant, on peut aussi traiter le problème en termes de trajectoire et d'accélération : le vecteur vitesse initiale de la bille pointe vers l'axe de la Terre, l'accélération de Coriolis est un vecteur perpendiculaire au plan formé par l'axe des pôles et la verticale du lieu et dirigé vers l'est.
Si la résistance de l'air est négligeable, le calcul indique un décalage vers l'est de 14,4 mm pour une chute de 100m. Evidemment, lorsque la vitesse de chute prend une composante vers l'est, elle donne naissance à une accélération de Coriolis qui s'efforce de faire pointer la vitesse vers le sud, mais cet effet secondaire est totalement négligeable.