Qu'est-ce qu'un cyclone ?
Les cyclones apparaissent sur les images satellitaires sous la forme d'organisations nuageuses formant des tourbillons circulaires tournant dans le sens antihoraire dans l'hémisphère nord et dans le sens horaire dans l'hémisphère sud.

Image du satellite METEOSAT10, le 30 mars 2014 à 13h UTC – Le cyclone tropical intense Hellen, à l'approche des côtes malgaches. La morphologie d'Hellen est très compacte, la partie réellement active du système faisant moins de 200 km de diamètre, mais avec des vents excessivement violents autour de l'oeil d'un diamètre d'un peu moins de 40 km. © Météo-France / CMS
Les nuages s'enroulent autour de l'œil du cyclone dans le sens des aiguilles d'une montre.

Image Noaa, septembre 2003. ©Noaa
Les nuages s'enroulent autour de l'œil du cyclone dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Un cyclone est une dépression, c'est-à-dire une zone de basse pression. A la différence des dépressions tempérées, les cyclones tropicaux sont des dépressions isolées sans aucun système frontal.
Ils se forment au-dessus des bassins océaniques tropicaux, à l'exception de l'Atlantique sud et du sud-est du Pacifique. Après un déplacement vers l'ouest, leur trajectoire, s'ils ne rencontrent pas un continent, s'infléchit vers le pôle puis vers l'est.
La fréquence des cyclones tropicaux est très variable d'une année à l'autre mais proche de 4 à 5 par an pour la majorité des zones de formation. Les tempêtes tropicales sont plus nombreuses. On parle de tempêtes tropicales lorsque la vitesse des vents est entre 61 et 118 km/h.
Zones de formation et d'activité des cyclones, trajectoires et nombre moyen par an et par bassin de tempêtes tropicales (chiffres de gauche) et de cyclones (chiffres de droite)
(Fondamentaux de la Météorologie- Sylvie Malardel-Cépaduès éditions)
Structure d'un cyclone
L'ensemble de cette structure tourbillonnaire se déplace à une vitesse de l'ordre de 10 à 30 km/h, selon une trajectoire prévisible mais qui dans le détail est parfois erratique.

Le cyclone Isabel (septembre 2003) vu par un satellite de la NOAA,
au nord de la République Dominicaine (Copyright NOAA)
Noter l'enroulement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre (sens cyclonique de l'hémisphère Nord) des bandes de cumulonimbus (nuages apparaissant en blanc), qui spiralent de manière convergente vers le mur de l'œil du cyclone. Les nuages de haute altitude (nuages de type cirrus qui apparaissent en violacé sur l'image – particulièrement bien visibles dans les secteurs nord et est du cyclone) panachent eux dans le sens des aiguilles d'une montre (sens anticyclonique de l'hémisphère Nord) et matérialisent l'évacuation du flux sortant d'altitude du cœur du cyclone vers l'extérieur, dans un mouvement divergent.
Coupe verticale d'un cyclone de l'hémisphère nord
Structure nuageuse d'un cyclone
L'œil du cyclone
C'est le centre de la perturbation. Son diamètre peut être de l'ordre de 50 à 400 km, la pression atmosphérique y est minimale et les vents sont faibles. L'œil est encerclé par un véritable mur de nuages convectifs (cumulonimbus) à fort développement vertical, au sein desquels les vents sont très violents. A ces vents sont associés des précipitations torrentielles.

Paramètres physiques dans un cyclone
- Pression atmosphérique : Elle est minimale dans l'œil du cyclone. Le record de la plus basse pression atmosphérique mesurée sur la planète au niveau de la mer (870 hPa) a été enregistré dans l'oeil d'un cyclone de l'océan Pacifique alors qu'elle est de 1 013 hPa en situation normale.
- Température : Elle est maximale dans l'œil du cyclone
- Vitesse du vent : Elle est minimale dans l'œil du cyclone (ce qui correspond à une courte période de calme lors du passage de l'œil d'un cyclone sur une région donnée). Elle est maximale dans le "mur" de nuages qui entoure l'œil du cyclone et peut atteindre 250 à 300 km/h. C'est dans ce mur que la violence du cyclone s'exprime le plus.
- Précipitations : elles sont maximales dans le "mur" de nuages et peuvent atteindre plusieurs centaines de mm au cours du passage d'un cyclone, ce qui équivaut à plusieurs centaines de litres d'eau par m² (1mm de précipitations sur une surface de 1 m² correspond à un volume de 1 l).
Variation de différents paramètres physiques dans un cyclone en fonction de la distance au centre de celui-ci
Les conditions de formation d'un cyclone
• une perturbation préexistante,
• une réserve d'énergie thermique suffisante dans la couche de mélange océanique (température supérieure à 26,5 °C sur 50 mètres de profondeur pour le climat actuel, soit une température de surface supérieure à 28°C).
• une très faible variation du vent avec l'altitude favorable à l'existence d'une circulation tourbillonnaire cohérente sur toute l'épaisseur de l'atmosphère avec une humidité marquée en moyenne troposphère,
• et être au-delà de 5° de latitude, afin que la force de Coriolis, engendrée par la rotation de la Terre, soit suffisamment intense pour permettre la mise en place du mouvement initial tourbillonnaire.
Ces conditions ne se rencontrent pratiquement qu'au dessus des océans, en fin d'été, et dans la zone de convergence intertropicale. C'est pourquoi il n'y a pas de cyclones dans l'Atlantique sud et le Pacifique sud-est, car les eaux y sont plus froides.

réalisée à partir d'observations satellitaires du 24 septembre 2004 (Copyright FNMOC)
Pour l'Atlantique, des températures supérieures à 28°C sont identifiables dans une zone située entre 5° et 20° de latitude nord, entre autre dans le secteur "Caraïbes et golfe du Mexique".
Mais la formation est plus complexe et trois éléments dynamiques sont fondamentaux :
• des vents dans les basses couches de l'atmosphère qui convergent suffisamment vers la perturbation initiale, pour amorcer et entretenir le mouvement ascendant au cœur de celle-ci lui permettant de se développer. La Zone de Convergence Intertropicale, zone où convergent les alizés issus des deux hémisphères est de ce fait une zone privilégiée de cyclogenèse (formation des systèmes dépressionnaires tropicaux).
• un champ de vents qui ait une bonne cohérence verticale au voisinage du centre de la perturbation, lui permettant ainsi de se structurer verticalement. Des vents de direction opposée entre la surface et l'altitude seront ainsi défavorables, car générant ce que l'on appelle du cisaillement vertical de vent, qui, s'il est trop fort, empêchera toute formation d'un système dépressionnaire, ou détruira un cyclone mature qui serait amené, au gré de sa trajectoire, à se retrouver confronté à une hausse du cisaillement de vent (c'est une des causes majeures d'affaiblissement des cyclones tropicaux).
• une structure de l'atmosphère dans l'environnement de la perturbation qui favorise l'évacuation de l'air en altitude (ce que l'on appelle une bonne divergence d'altitude). L'air ascendant qui monte au cœur de la perturbation (au niveau du mur de l'œil dans le cas d'un cyclone) ne peut, en effet, s'accumuler au-dessus du système et doit donc pouvoir s'évacuer vers l'extérieur aisément. Comme dans une cheminée qui, si elle est mal ramonée, ne permettra pas d'évacuer correctement la fumée qui monte dans la cheminée, si ce que l'on appelle le flux sortant d'altitude de la perturbation est contrarié en haute atmosphère, celle-ci ne pourra pas bien se développer. Ce paramètre est fondamental pour gouverner les taux d'intensification des systèmes dépressionnaires (l'équivalent du tirage de la cheminée, qui conditionne l'efficacité du feu) : les cyclones qui se développent les plus rapidement sont ceux qui bénéficient de bonnes conditions divergentes en altitude.
Les cyclones, des machines thermiques
Le carburant du cyclone, c'est l'océan, qui via le flux d'évaporation l'alimente en énergie. C'est la raison principale qui explique qu'un cyclone s'affaiblisse quand il arrive sur terre : en effet, il perd alors sa source d'alimentation énergétique, comme quand un moteur automobile s'arrête, par suite d'une panne de carburant.
Le processus fait intervenir la condensation des nuages. Les cumulonimbus, ces nuages qui peuvent monter jusqu'à 15 à 17 km d'altitude, sont le moteur du cyclone. La condensation nuageuse qui les forme produit en effet une très importante libération d'énergie (sous forme de chaleur latente), qui est transférée vers la haute atmosphère via les puissants mouvements ascendants associés à ces cumulonimbus. Ces développements nuageux sont alimentés par le flux d'évaporation à la surface de l'océan, qui fournit l'humidité nécessaire à la fabrication des nuages. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, les cyclones tropicaux sont des phénomènes océaniques.
Zoom arrière sur l'atmosphère
La plupart des processus physiques qui régissent l'atmosphère (et il en va de même de l'océan) résultent des déséquilibres qui existent au sein de ces fluides. Le principal déséquilibre est d'origine thermique et lié au différentiel d'énergie solaire reçu entre les zones polaires et les zones équatoriale et tropicales, ce déséquilibre étant bien sûr variable dans le temps (suivant les saisons) et également inégalement réparti géographiquement entre les zones continentales et océaniques, qui n'ont pas les mêmes propriétés radiatives (capacités d'absorption du rayonnement solaire différentes). En dehors de ce différentiel horizontal, qui fait que les zones équatoriales reçoivent plus d'énergie que les zones polaires et sont donc plus chaudes, il existe également un différentiel vertical, qui fait que les températures sont généralement plus chaudes à la surface qu'en altitude. Les mécanismes atmosphériques tendent à réduire ces déséquilibres, c'est-à-dire par exemple à refroidir la zone proche-équatoriale surchauffée ou à réchauffer les zones polaires trop froides. Il s'agit bien sûr la d'un processus sans fin, puisque le déséquilibre est entretenu en permanence par le différentiel de rayonnement solaire.
Et les cyclones, quel rôle y jouent-ils ?
Au sein de la circulation atmosphérique générale, les cyclones participent de ces phénomènes qui ont un rôle régulateur. En transférant de l'énergie en altitude, via la condensation nuageuse, ils contribuent à évacuer une partie de l'excédent d'énergie accumulé en surface dans les zones intertropicales surchauffées, en été plus particulièrement. Vu le nombre de tempêtes tropicales et de cyclones qui se développent annuellement, cette contribution est toutefois très minoritaire par rapport à l'action équivalente de l'ensemble des nuages et systèmes nuageux développés dans les zones équatoriale et tropicales. Par ailleurs, les cyclones tropicaux se forment près de l'équateur et tendent ensuite à s'en écarter, un certain nombre d'entre eux étant ensuite expulsés vers les eaux subtropicales et les moyennes latitudes. C'est là un moyen efficace de transférer une partie de l'excédent d'énergie des zones intertropicales vers les latitudes plus élevées, qui, elles, sont déficitaires.
Les interactions océan- atmosphère
Les cyclones sont l'exemple type d'une interaction océan-atmosphère. Car si les cyclones puisent leur énergie dans la chaleur des océans tropicaux, ils exercent en retour une action sur ces mêmes océans. Le passage d'un cyclone s'accompagne en effet d'un brassage important de l'océan sous-jacent qui génère un refroidissement plus ou moins important des eaux de surface (par remontée d'eaux froides depuis les couches plus profondes – ce que l'on appelle de l'upwelling). Dans les cas les plus extrêmes (cyclones puissants se déplaçant lentement), on peut observer des refroidissements de plus de 5-6°C de la température de surface de la mer dans le sillage d'un cyclone. Voir l'exemple du cyclone Gaël. Si les cyclones contribuent à réguler la surchauffe de l'atmosphère intertropicale, ils contribuent donc aussi à refroidir les océans tropicaux, même s'il s'agit là également d'une contribution très minoritaire par rapport aux autres processus ayant le même effet, tels que les courants marins.
L'impact du cyclone Gaël sur l'océan Indien
© NASA Earth Science Physical Oceanography Program (SST)
Sa trajectoire du 1er au 12 février 2009 (les carrés indiquent la trajectoire durant les deux journées considérées), températures de surface et anomalies de températures de surface de la mer le 2 et le 9 février 2009. Alors que la température de surface de la mer était de 28°C entre Madagascar et la Réunion le 2 février, soit une anomalie de +1 à +2°C, on observe un refroidissement de plusieurs degrés maximal dans la zone de rebroussement de la trajectoire là où le cyclone était au stade le plus mature.
Les dangers associés aux cyclones
Chaque année, en moyenne, quatre-vingts tempêtes et cyclones affectent les régions tropicales. Au cours des cinquante dernières années, plus d'un demi million de personnes ont péri lors du passage de cyclones tropicaux. À lui seul, l'ouragan Katrina a provoqué en 2005 plus de 125 milliards de dollars de dommages à la Nouvelle-Orléans et en Louisiane.

Manifestations au passage d'un cyclone
(Cas de l'hémisphère nord. Pour l'hémisphère sud, l'enroulement du système nuageux est dans le sens opposé).
Les perturbations des paramètres météorologiques lors du passage d'un cyclone peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l'environnement.
Le vent
La vitesse du vent peut se traduire par une surpression qui en s'exerçant sur les parois verticales ou les vitres des bâtiments entraîne leur destruction. Les brusques changements de direction et de force du vent créent également des effets de cisaillement préjudiciables à l'équilibre des constructions, des arbres...
L'état de la mer
Il est modifié selon deux processus :
• La houle cyclonique : à l'avant du cyclone se lève une houle importante qui se propage plus rapidement que celui-ci. Elle permet parfois aux navigateurs d'anticiper l'arrivée d'un cyclone et de modifier leur route en conséquence.
A titre d'exemple, dans les Caraïbes, la houle moyenne levée par les alizés est de l'ordre de 1 à 2 m au maximum. Le cyclone Luis (Septembre 1995), passé à 75 km de la Guadeloupe a généré une houle de 4 à 6 m qui a déferlé sur cette île.
• La marée de tempête : cette élévation du niveau de l'eau résulte de deux effets qui se conjuguent. D'une part, les vents forts exercent une poussée sur la surface de la mer, ce qui, à proximité d'une côte contribue à élever le niveau de l'eau. D'autre part, la dépression qui a lieu au centre d'un cyclone contribue à "aspirer" l'océan et à en déformer la surface.
Sur les régions littorales basses, c'est souvent la marée de tempête, qui par sa durée, a les effets les plus destructeurs car elle permet à la mer de pénétrer loin dans les terres.
Les précipitations
Très irrégulières et parfois torrentielles, elles sont redoutées lorsque les cyclones se déplacent lentement. A citer le record mondial détenu par un cyclone qui a lâché en 24 heures 1824 mm d'eau (soit 1,82 tonne d'eau par m²) sur l'Île de la Réunion en 1952. Ces précipitations entraînent le plus souvent des inondations et des glissements de terrain, notamment dans les îles tropicales au relief marqué. Le mur est la muraille nuageuse qui entoure l'oeil du cyclone. Il est formé d'un anneau de cumulonimbus de plus de 10 km de hauteur. Là, se trouvent les chutes de pluies les plus fortes et les vents les plus violents. Il tombe en moyenne 10 cm (et parfois jusqu'à 30 cm) de pluie par jour dans un rayon de 200 km autour de l'œil et les vents dépassent fréquemment 200 km/h et causent des dégâts considérables.
Comment classer et nommer les cyclones ?
Comment s'y retrouver parmi les termes nombreux désignant ces perturbations à circulation tourbillonnaire des régions tropicales dont certaine sont tristement célèbres par les dégâts qu'elles ont causées ?

De classe 5 (vents maximal soutenu de 280 km/h), Katrina a été sans doute l'ouragan le plus dévastateur aux Etats-Unis.
Une classification fondée sur la vitesse des vents
Classification des systèmes tropicaux
(1 nœud = 1 mille marin/h ou 1,852 km/h)
Les cyclones tropicaux font eux-mêmes l'objet d'une classification. Herbert Saffir, ingénieur civil et Robert Simpson, directeur du National Hurricane Center, développèrent en 1969 à la demande de l'OMM, organisation météorologique mondiale, une échelle permettant de décrire les effets potentiels d'un cyclone tropical sur les infrastructures humaines. Elle comporte 5 classes où l'ampleur des dégâts augmente de 1 à 5.

Des noms différents pour un même phénomène selon les régions du globe

* le terme d'ouragan désigne aussi de violentes tempêtes de la zone tempérée dont les vents atteignent des vitesses moyennes de l'ordre de 120 km/h ou davantage.
Et en plus …
un nom individuel pour chaque tempête tropicale et cyclone
Alors que les dépressions tropicales sont numérotées, la première de l'année en début de saison portant le numéro 1, on attribue un nom à la tempête tropicale. Le seuil de baptême est 34 nœuds (63 km/h). Celui-ci est choisi dans une liste alphabétique préétablie. Il existe des listes différentes selon les régions. Pour le bassin nord atlantique par exemple, il s'agit de prénoms courts et usuels avec une alternance des prénoms masculins et féminins. Depuis 2000, les pays du Pacifique Nord-Ouest utilisent un nouveau système : chacun des 14 pays concernés a proposé une liste de 141 noms, noms d'animaux, de fleurs, signes astrologiques, quelques noms de personnes, à utiliser dans un ordre précis.
Gaël, un cyclone de l'hémisphère Sud (2009)
Le cyclone Gaël a affecté le Sud-Ouest de l'océan Indien du 1er au 12 février 2009.

Le graphique permet de suivre l'évolution de son intensité par la représentation des différents stades : dépression, tempête tropicale, cyclone tropical puis retour au stade dépression.
1. La formation du cyclone Gaël
Le 1er février, une zone perturbée est visible au nord-est de l'archipel des Mascareignes qui regroupe La Réunion, l'Ile Maurice et Rodrigues, au niveau du 15ème parallèle Sud et à quelques 1500 km au nord-est de l'île Maurice (en bas à gauche de l'image). Une zone perturbée est constituée d'un conglomérat de nuages de tous types, mais au sein duquel des cumulonimbus (nuages les plus blancs) sont présents. A ce stade, bien que l'on ait déjà affaire à un système nuageux constitué, on ne sent pas d'organisation bien affirmée. Une circulation dépressionnaire est cependant déjà présente, mais encore faible, avec un minimum de pression estimé à 1005 hPa. Une telle zone perturbée est bien évidemment considérée comme suspecte et surveillée de près, car c'est à partir de ce genre de système embryonnaire qu'un cyclone peut se développer, si les conditions sont favorables.
Le lendemain, 2 février, il n'y a pas eu d'évolution spectaculaire. Même si les amas de cumulonimbus (ce que l'on appelle aussi de la convection profonde) sont un peu plus compacts, avec un début de courbure, dénotant un léger accroissement de l'organisation tourbillonnaire, on constate surtout que le minimum dépressionnaire, décelable grâce aux petits enroulements de nuages bas – en jaune, est décalé à l'est de la convection. Cela traduit l'existence d'une contrainte cisaillée d'est, qui est la cause de ce déphasage. Et tant qu'il n'y a pas mise en phase de la circulation de basses couches avec la convection, il ne peut pas y avoir creusement significatif de la dépression. A ce stade, le système est classé en perturbation tropicale et le minimum dépressionnaire est estimé à 1002 hPa. Les vents maximaux au sein de la circulation dépressionnaire atteignent 25 nœuds (46 km/h). (Un nœud = 1 mille marin/h ou 1,852 km/h).
Les cartes de température de surface de la mer et d'anomalies de température de surface (par rapport à la moyenne climatologique), indiquent que le météore évolue sur des eaux chaudes (supérieures à 28°C en surface), anormalement chaudes même, avec des anomalies de températures de surface qui excèdent 1°C sur toute la zone voisine de l'archipel des Mascareignes et au sud. Le potentiel énergétique est donc important, mais cela ne garantit en rien que la formation du système dépressionnaire (cyclogenèse) aboutisse. Ce sont les conditions dynamiques qui sont primordiales.
Température de surface de la mer – 2 février 2009
© NASA Earth Science Physical Oceanography Program (SST)
Anomalies de température de surface- 2 février 2009
© NASA Earth Science Physical Oceanography Program (SST)
Le 3 février
Par rapport à la veille, le déphasage persiste entre la circulation dépressionnaire de basses couches et la convection. Mais l'organisation tourbillonnaire s'est tout de même clairement renforcée : elle est matérialisée par le vortex nuageux qui entoure le centre dépressionnaire (vortex matérialisé par l'anneau jaunâtre de nuages bas et visible car exposé pour bonne part au sud-est de la convection). A ce stade, on a désormais affaire à une dépression tropicale : les vents moyens les plus forts atteignent les 60 km/h (ce qui signifie des rafales maximales sur mer de l'ordre de 85 km/h). La pression minimale au centre est de 997 hPa.
Sur la carte de vents en altitude (vents estimés par satellite), on constate une circulation anticyclonique autour du système nuageux (vents tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre), avec donc une divergence d'altitude correcte, sauf dans le secteur sud-est de la perturbation. Cette structure du champ de vents est cohérente avec l'imagerie satellitaire, sur laquelle on constate effectivement que les cirrus (nuages bleutés), qui matérialisent bien l'écoulement de l'air en altitude, s'épanchent de manière franche autour du système nuageux dans les secteurs nord à ouest, mais pour ainsi dire pas dans le quadrant sud-est.
© CIMSS (Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies) de l'Université du Wisconsin à Madison.
Les vents en bleu correspondent à des vents dans la tranche 100-250 hPa, ceux figurant en jaune se situent dans la tranche 251-350 hPa et ceux en vert dans la couche moyenne-supérieure 351-500 hPa.
La carte de cisaillement vertical de vent (différence du vent entre l'altitude et les couches inférieures de l'atmosphère) confirme le diagnostic, avec un cisaillement vertical de vent de sud-est estimé à 20 nœuds. Il faut savoir que cette valeur de 20 nœuds est une valeur critique, car souvent considérée comme le seuil de cisaillement au-delà duquel il devient improbable qu'une cyclogenèse puisse se produire. C'est dire que l'on est dans une situation limite par rapport à ce paramètre clé (même si un cisaillement d'est est moins rédhibitoire qu'un cisaillement d'ouest).
© CIMSS (Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies) de l'Université du Wisconsin à Madison.
La direction du cisaillement est indiquée par les flèches roses.
La force du cisaillement est indiquée par les isolignes en jaune.
Malgré ces conditions environnementales défavorables dues au cisaillement de vent, le système a malgré tout continué de se creuser, mais à un rythme plus lent. La question est maintenant de savoir comment va évoluer le cisaillement, sachant que le météore continue à se déplacer en direction de l'ouest-sud-ouest. Si le cisaillement devait se renforcer, ce serait vraisemblablement fatal ; en revanche, s'il venait à baisser, cela laisserait la porte ouverte au développement du système. C'est cette seconde option qui va se réaliser.
2. Le développement du cyclone
Sur l'image du 4 février, la baisse du cisaillement est patente, avec un début de mise en phase entre la convection et la circulation dépressionnaire de basses couches, toujours matérialisée par les petits enroulements de nuages bas en jaune, mais désormais en grande partie occultée sous la convection, qui s'est pour sa part regroupée et densifiée.
A ce stade, la pression a commencé de baisser (minimum estimé à 994 hPa) et les vents de se renforcer : on a désormais affaire à une tempête tropicale modérée (vents moyens maximaux approchant les 70 km/h, soit un peu moins de 100 km/h pour les rafales maximales sur mer). Dès lors qu'un système dépressionnaire se transforme en tempête tropicale, il reçoit un nom. Le météore a, en l'occurrence, été baptisé Gaël.
Le 5 février le développement se poursuit (à la faveur de la baisse graduelle du cisaillement de vent) et Gaël présente désormais une belle structure nuageuse, dite en bande incurvée (on devine le vortex de nuages bas central – en jaune – sous la tête de la bande incurvée). La divergence d'altitude est cantonnée au demi-cercle nord du système nuageux, mais est suffisamment puissante pour permettre une bonne évacuation du flux sortant d'altitude (magnifique épanchement de la "chevelure" de cirrus). Gaël est devenu une forte tempête tropicale. La pression centrale est estimée à 983 hPa et des vents de force tempête sont désormais présents près du centre (vents moyens maximaux supérieurs à 50 nœuds, ce qui signifie des rafales maximales sur mer supérieures à 130 km/h).
Image Météosat 7 du 05/02/2009 à 7 h 30 UTC © Eumetsat
3. La maturité
Le 6 février, avec des conditions environnementales désormais très favorables (cisaillement de vent proche de zéro en particulier), le développement s'est accéléré et Gaël entre dans sa phase mature. Sa structure a sensiblement changé et un œil s'est formé au cœur du météore (qui se situe maintenant entre La Réunion et Madagascar) et le stade de cyclone tropical est atteint depuis déjà quelques heures. La pression a chuté sous les 960 hPa et les vents moyens soufflent maintenant à plus de 140 km/h, ce qui signifie des rafales maximales sur mer de l'ordre de 200 km/h.
Le 7 février, Gaël dont la trajectoire s'est incurvée en direction du sud-sud-est, est à son apogée (noter la belle définition de l'œil). C'est devenu un cyclone tropical intense : la pression au centre est estimée à 930 hPa et les vents maximaux moyens culminent à 100 nœuds dans le mur de l'œil, ce qui signifie des rafales maximales associées de l'ordre de 260 km/h.
4. La dégénérescence (cyclolyse)
Le 8 février, même si un œil est encore visible, la perte d'organisation est nette. Gaël a commencé de s'affaiblir et vient de perdre son statut de cyclone tropical intense, pour être déclassé en simple cyclone tropical. Les vents les plus forts sont tout de même estimés souffler encore à 160 km/h (en vents moyens). Le minimum de pression est de 945 hPa.
Le 9 février, Gaël "plonge" a vitesse accélérée en direction des latitudes sud et s'apprête à quitter le domaine tropical, pour entrer dans le domaine subtropical. Le météore pénètre dans une zone qui lui est de plus en plus défavorable : augmentation sensible du cisaillement vertical de vent, de nord-ouest, et arrivée sur des eaux plus fraîches, de 24-25°C en surface, entraînant une baisse de l'alimentation énergétique. Il commence à souffrir. L'œil a quasiment disparu, mais il faut savoir qu'il y a une certaine inertie et qu'il faut un certain délai avant que la dégénérescence du système nuageux (visible ici dans sa partie supérieure) ne se répercute réellement sur le champ de vents en surface. Si bien qu'à cette heure, le météore demeure classé en cyclone tropical, avec des vents estimés souffler encore à environ 200 km/h en pointe (rafale maximale).
Les cartes de température de surface de la mer et d'anomalies de température de surface (par rapport à la moyenne climatologique) du 9 février montrent l'impact du passage de Gaël sur l'océan, avec un refroidissement de plusieurs degrés, maximal dans la zone où le cyclone était au stade le plus mature, c'est à dire dans la zone de recourbement de sa trajectoire, entre La Réunion et Madagascar.
Température de surface de la mer – 9 février 2009
© NASA Earth Science Physical Oceanography Program (SST)
Anomalies de température de surface- 9 février 2009
© NASA Earth Science Physical Oceanography Program (SST)
Le 10 février, le changement de structure nuageuse est spectaculaire. Sous l'impact de vents forts en altitude, la convection s'est volatilisée. Gaël a perdu son caractère tropical et est désormais classé comme une dépression extratropicale. Bien que s'étant en bonne partie comblée (le minimum de pression est désormais estimé à 987 hPa), la dépression demeure suffisamment creuse pour générer des vents de force tempête (vents moyens supérieurs à 100 km/h, rafales maximales sur mer de l'ordre de 150 km/h).
Les anciens systèmes dépressionnaires tropicaux expulsés hors du domaine tropical, connaissent souvent une deuxième vie en tant que tempête des moyennes latitudes (c'est le cas des anciens ouragans de l'Atlantique Nord, qui, après avoir remonté le long des côtes américaines, traversent l'Atlantique d'ouest en est et frappent les îles Britanniques – voire la Bretagne – en tant que tempête automnale). Ce ne sera pas le cas de Gaël qui ira en se comblant le 12 février dans le domaine subtropical.
Fallait-il déclencher l'alerte ?
En fonction de la trajectoire suivie par le phénomène, de son évolution prévue et des conséquences potentielles pour La Réunion (trajectoire prévue, évolution attendue en terme d'intensité et influence prévisible pour les conditions météorologiques sur l'île), et tenant compte également de l'incertitude sur ces prévisions de trajectoire et/ou d'intensité, Météo-France avertit les autorités locales (Préfecture), qui sont responsables du déclenchement des alertes cycloniques.
Dans le cas de Gaël, les prévisions étaient fiables et laissaient le centre du météore à plus de 250 km des côtes du département. En l'absence de risque de conditions cycloniques, caractérisées par l'occurrence de rafales de vent supérieures à 150 km/h ou de vents moyens supérieurs à 100 km/h, il n'a pas été nécessaire de déclencher l'alerte orange et l'on en est resté au stade de la simple pré-alerte cyclonique (qui a duré 5 jours, du 3 au 8 février 18h locales).
Gaël a malgré tout influencé significativement le temps sur l'île, avec de fortes pluies, des vents forts et une forte houle.